Que sont exactement les « droits punitifs » ? Définitions variées expliquées, avec un aperçu actuel
Dans les conflits commerciaux, on évoque souvent les « droits punitifs ». Toutefois, ce terme n’est pas un terme juridique technique, mais un terme générique courant pour divers types de droits qui vont au-delà du taux normal. L’objectif de telles mesures est généralement d’exercer une pression économique ou politique sur d’autres pays—par exemple en raison de pratiques commerciales déloyales, de subventions ou de conflits géopolitiques. Pour les entreprises actives dans le commerce international, il est crucial de savoir quel type de droit est appliqué, car cela affecte des aspects tels que le calcul des coûts, la conception des contrats, la documentation d’origine ou les procédures de recours. De même, dans le cadre des accords commerciaux ou des règles de l’OMC, il est significatif de savoir si la mesure est, par exemple, un droit antidumping ou un droit de rétorsion.Les principaux types de « droits punitifs » expliqués :
Type de droit | Fonction / Objectif |
---|---|
Droit antidumping | Protection contre les importations offertes en dessous de la valeur normale (p. ex. en dessous du coût). |
Droit compensateur | Compense les subventions dans le pays exportateur afin d’éviter les distorsions de marché. |
Droit de rétorsion | Réaction à des droits ou autres mesures préalablement imposés par un autre pays. |
Droit réciproque | Droit pour assurer un traitement égal lorsque le pays partenaire impose des droits plus élevés. |
Droit secondaire | Cible les pays tiers commerçant avec un pays sanctionné. |
Droit NPF | Droit normal au titre des règles de l’OMC : égalité de traitement pour tous les membres de l’OMC. |
Droit de contournement | Cible les opérations de contournement. La définition juridique reste floue, se réfère souvent au contournement et au réacheminement. |
Explications des types de droits
Droits antidumping
Ces droits sont imposés lorsqu’un pays importe des produits vendus en dessous de la valeur normale du marché (souvent même en dessous du coût de production). Le but est de compenser le comportement de baisse des prix (« dumping ») et de protéger les industries nationales. Les mesures antidumping sont autorisées selon les règles de l’OMC si la procédure est correctement menée. Typique pour les droits antidumping :- Le montant est basé sur la « marge de dumping ».
- S’applique généralement uniquement à des produits ou fabricants spécifiques.
- Contrôlé par des autorités nationales (p. ex., Department of Commerce des États-Unis, Commission européenne).
Exemple de droit antidumping : En juillet 2025, les États-Unis imposent un droit antidumping de 93,5 % sur les anodes de graphite chinoises, arguant que des ventes en dessous de la valeur de marché nuisent à l’industrie américaine des batteries.
Droits compensateurs (droits antisubventions)
Si des produits à l’étranger sont subventionnés par l’État (par exemple via des prêts avantageux, des allégements fiscaux, des primes à l’exportation), les pays importateurs peuvent imposer des droits compensateurs pour neutraliser la distorsion des prix. Cette mesure est également conforme à l’OMC si la subvention est prouvée.Les droits compensateurs et antidumping sont souvent combinés—notamment dans des secteurs comme l’acier, la chimie ou les batteries.
Droits de rétorsion
Ces droits sont une réponse directe à des droits ou autres mesures économiques d’un partenaire commercial. L’objectif est d’exercer une pression économique ou politique. Les droits de rétorsion sont souvent annoncés pour encourager la négociation ou répondre de manière symétrique.Exemple de droit de rétorsion : Après des droits américains sur les voitures de l’UE, l’UE répond par des droits de rétorsion sur des produits américains comme le whiskey, les jeans et les motos.
Droits réciproques
Ces droits sont fondés sur le principe de réciprocité. Si un partenaire commercial impose des droits plus élevés sur nos produits que nous n’en imposons sur les siens, des « droits réciproques » peuvent être imposés afin d’atteindre une relation équilibrée.Ces droits sont politiquement motivés, juridiquement controversés car ils peuvent violer les règles de l’OMC. Ils ont marqué la première administration Trump (2017–2020) et sont de nouveau au centre en 2025. Leur légalité est contestée même aux États-Unis. Pour les produits avec une teneur américaine significative (au moins 20 %), le droit est appliqué uniquement sur la valeur restante, pour autant qu’une documentation détaillée selon la CBP (douanes américaines) soit disponible, y compris la preuve de la valeur des composants américains. Le facteur déterminant est le pays d’origine au sens douanier, tel que défini par la réglementation américaine : le pays où un produit étranger a été fabriqué, produit ou cultivé avant son entrée aux États-Unis. Une transformation ou l’ajout de matière dans un autre pays ne change l’origine que si cela entraîne une transformation substantielle. Le 31 juillet 2025, par décret présidentiel, un droit « réciproque » additionnel de 39 % ad valorem sur les importations originaires de Suisse a été introduit, avec effet au 7 août 2025. En règle générale, ce droit s’applique en plus de tous les autres droits, sauf disposition contraire des accords.
Droits secondaires
Ceux-ci ne visent pas directement le pays cible principal, mais des pays tiers qui commercent avec un pays sanctionné. Les droits secondaires visent à exercer une pression indirecte sur ces pays afin qu’ils reconsidèrent leurs relations avec l’État cible, souvent dans le cadre de sanctions.Exemple de droit secondaire : L’Inde est confrontée à des droits secondaires pour avoir continué d’importer du pétrole russe malgré les sanctions occidentales.
Droits NPF (taux de la nation la plus favorisée)
Le droit NPF est le taux de droit régulier qu’un membre de l’OMC doit accorder de manière égale à tous les autres membres, sauf en cas d’accords de libre-échange ou de règles spéciales. Le droit NPF constitue ainsi le taux de base dans le commerce international.Il s’agit du taux de droit standard que chaque pays fixe indépendamment, mais dans le cadre de l’OMC—par exemple, 4 % sur les textiles ou 2,5 % sur les machines.
Droits de contournement (transbordement, contournement, opérations d’évasion)
Le taux de 40 % annoncé pour les opérations d’évasion est imposé comme sanction. La définition juridique n’est pas encore clarifiée : ne vise-t-elle que le contournement ciblé, ou aussi le simple transbordement via des pays tiers ? Il est d’ores et déjà clair que : si les douanes américaines constatent que des marchandises sont réacheminées via un pays tiers sans transformation substantielle, des conséquences juridiques s’ensuivent. Le traitement précis dépend des accords commerciaux.Section 232 – Trade Expansion Act de 1962 (sécurité nationale)
La Section 232 permet au président américain de restreindre les importations pour des raisons de sécurité nationale. De nombreux droits de protection ont récemment été imposés sur cette base juridique :- Droit additionnel sur les importations d’acier (25 %) – Base juridique : Section 232 (Trade Expansion Act 1962) ; Mesure : droit à l’importation de 50 % sur presque tous les produits sidérurgiques. Statut : en vigueur. (Proclamation 10957 du 3 juin 2025)
- Exigence de déclaration du pays de fusion et de coulée, selon les instructions de la CBP ; à défaut « UN » → droit punitif de 200 %
- Droit additionnel sur les importations d’aluminium (50 %) – Base juridique : Section 232 (Trade Expansion Act 1962) ; Statut : en vigueur depuis le 4 juin 2025
- La teneur en aluminium doit être indiquée conformément aux instructions de la CBP, incluant :
- Pays de la première et de la seconde fusion
- Pays de la coulée
- Droits additionnels sur les véhicules et pièces (25 %) – Base juridique : Section 232 (Trade Expansion Act 1962) ; Statut : en vigueur (Proclamation 10908)
- Droit additionnel sur les produits en cuivre (50 %) – Base juridique : Section 232 (Trade Expansion Act 1962, Proclamation 10962 du 30 juillet 2025) ; Statut : en vigueur
- La teneur en cuivre doit être indiquée
- Les produits déjà soumis à la directive « véhicules » sont exclus
- Autres enquêtes au titre de la Section 232 – De nouvelles enquêtes ont été ouvertes au titre de la Section 232, telles que le polysilicium et ses dérivés ou les systèmes d’aéronefs sans pilote (drones). Elles visent à déterminer si ces importations menacent la sécurité nationale et peuvent conduire à de futurs droits ou quotas. Exemples : enquêtes en cours pour les semi-conducteurs, le polysilicium et la technologie des drones. Dans le cadre de l’accord de prospérité économique États-Unis–Royaume-Uni, l’enquête Section 232 sur les produits pharmaceutiques est également particulièrement mise en avant.
Section 201 – Trade Act de 1974 (sauvegardes globales)
La Section 201 est la règle américaine de sauvegarde pour des mesures temporaires de protection contre des augmentations brusques des importations, indépendamment d’allégations de commerce déloyal. Les mesures sont ordonnées par le président sur recommandation de l’ITC, avec un accent sur :- Mesure de sauvegarde sur les modules et cellules solaires – Base juridique : Section 201 (Trade Act 1974) ; Mesure : Droits de protection et contingents tarifaires sur les modules solaires et les cellules solaires en silicium cristallin.
- Mesure de sauvegarde sur les gros lave-linge – Base juridique : Section 201 (Trade Act 1974) ; Mesure : Contingent tarifaire à l’importation et droits additionnels sur les lave-linge ménagers importés et les pièces.
Section 301 – Trade Act de 1974 (pratiques commerciales déloyales)
La Section 301 confère au USTR une large autorité pour répondre aux pratiques commerciales déloyales ou aux mesures étrangères injustifiées par des contre-mesures. Plusieurs grands programmes de droits ont été mis en œuvre ou menacés au titre de la Section 301 :- Droits additionnels sur les importations en provenance de Chine – Base juridique : Section 301 (Trade Act 1974) ; Mesure : Droits punitifs additionnels sur de larges groupes de produits en provenance de Chine (initialement 7,5 % à 25 %). Statut : en vigueur, escalade temporairement suspendue pendant 90 jours.
- Droits de rétorsion en raison des taxes numériques (suspendus) – Base juridique : Section 301 (Trade Act 1974) ; Mesure : droits de rétorsion de 25 % annoncés sur certains produits de pays appliquant des taxes sur les services numériques (DST). Portée : Droits envisagés sur des produits sélectionnés (articles de luxe, denrées alimentaires, vêtements) provenant de six pays imposant des taxes numériques spéciales aux grandes entreprises technologiques américaines.
Section 337 – Tariff Act de 1930 (pratiques d’importation déloyales)
La Section 337 traite des pratiques d’importation déloyales, notamment des violations des droits de propriété intellectuelle pour les marchandises importées. Les procédures de la Section 337 sont menées par la U.S. International Trade Commission (USITC) et peuvent aboutir à :- Interdictions d’importation pour violations de PI – Base juridique : Section 337 (Tariff Act 1930) ; Mesure : interdiction d’importation pour des produits qui enfreignent des brevets, marques, droits d’auteur ou secrets commerciaux américains (via des ordonnances d’exclusion). L’ITC peut également émettre des ordonnances de cessation et d’abstention à l’encontre des importateurs. Statut : en vigueur – la Section 337 est appliquée en continu ; de nombreuses interdictions d’importation en cours pour des produits ou entreprises spécifiques. Portée : spécifique aux produits et aux entreprises, généralement pour des technologies et des biens tels que les smartphones, les puces informatiques, les dispositifs médicaux ou les biens de consommation lorsque l’ITC constate une violation de PI dans les importations. Date : au cas par cas depuis des décennies – la Section 337 fait partie du droit commercial américain depuis 1930 ; chaque interdiction prend effet à la décision de l’ITC et demeure généralement en vigueur jusqu’à révocation.
Également applicable en raison de l’expiration de la règle DE MINIMIS :
À partir du 29 août 2025, tous les envois commerciaux sont soumis aux mêmes dispositions—l’exonération de 800 $ pour les envois ne s’applique plus.Empilement (« stacking ») comme terme central – Synthèse et conclusion, au 08.08.2025 :
- Le taux NPF demeure. Les accords de libre-échange (ALE) peuvent y déroger :
- Le taux de base de 10 % est remplacé par le droit réciproque (p. ex., 39 %).
- Dans certains ALE, le droit réciproque est un plafond (p. ex., UE : base 15 %) : Si le droit standard < 15 %, il est complété par le droit réciproque jusqu’à 15 %. Si le droit standard > 15 %, seul le taux standard s’applique, pas de droit réciproque.
- Les surtaxes Chine (IEEPA fentanyl) s’appliquent en cas d’origine Chine, mais pas les droits réciproques Chine IEEPA.
- Les « droits AD/CV » existants demeurent :
- Droits AD = droits antidumping → droits punitifs sur des marchandises vendues en dessous de la valeur de marché « équitable ».
- Droits CV = droits compensateurs → droits contre des marchandises bénéficiant d’avantages injustes de subventions publiques dans le pays exportateur.
Dans le contexte de la Section 232 et de l’IEEPA :
- Vérifications des codes tarifaires actuellement effectuées manuellement, y compris par les agents en douane ; un logiciel CW1 est prévu pour automatiser la mise en correspondance des données.
- 50 % de droits sur l’acier/l’aluminium (Section 232)
- Avec certains ALE, non cumulables avec le droit réciproque (p. ex., ACEUM), selon les termes de l’accord.
- En l’absence d’accord : la nouvelle règle d’« empilement » détermine ce qui est cumulable.
- Les droits sur l’aluminium et l’acier peuvent s’appliquer simultanément.
- L’IEEPA Chine (droits fentanyl) s’applique aussi ici, mais pas les droits réciproques IEEPA Chine.
- Ces surtaxes ne sont pas prélevées en sus pour les biens couverts par la directive « véhicules » (Section 232).
- Les droits spécifiques aux pays au titre de l’IEEPA ne s’appliquent pas non plus dans ce contexte.
- D’autres droits AD/CVD, Section 301, etc., continuent de s’appliquer comme auparavant.
- Conclusion : situation incertaine : pas de directive centrale des douanes américaines.
- Sources : tarif douanier (taux standard, Section 301), CSMS (Section 232, IEEPA), pages FAQ, Federal Register, décrets présidentiels.
- Problème : informations dispersées, souvent contradictoires, pas de système cohérent.